Chapitre bonus de L'éclat et l'ombre: Sur la route d'Areness

Ce matin, une quatrième nouvelle autour de L’éclat et l’ombre! Attention: si vous n’avez pas encore lu le livre, cet extrait (en plus de ne pas forcément avoir beaucoup de sens) contient des spoilers…
Ce sera je pense la dernière avant quelques temps, étant donné que pour les semaines à venir, je vais essayer de me consacrer plus sérieusement à la relecture du tome 2 de ma saga, ainsi qu’à un autre projet d’écriture en cours. Mais étant donné que ces petits chapitres bonus semblent avoir bien plu, avec des retours très positifs, je pense en publier d’autres, probablement à partir du mois d’Aout!

Sur la route d’Areness

Chapitre supplémentaire du tome 1 de L’éclat et l’ombre, introduisant le tome 2. Nous sommes tout à la fin du livre, nous avons laissé Eryn à proximité de la capitale. Pendant ce temps, Elphège s’est rendu à la base de l’Orn, où les choses ne se sont pas déroulées comme il l’espérait…

Le groupe dévalait le chemin. Elphège ouvrait la marche, les nerfs à vif : cet échec à la base de l’Orn venait s’ajouter à toutes les catastrophes qui se succédaient depuis la veille. Derrière lui, Erek et Isolde veillaient de leur mieux sur Andréline : celle-ci semblait ne pas avoir réellement accusé le choc, et ses compagnons redoutaient le moment où elle prendrait pleinement conscience de la situation. Enfin, Lysandre fermait la marche. Régulièrement, elle se retournait pour scruter le chemin derrière eux, usant de son éclat de vision perçante pour guetter d’éventuels poursuivants. Fort heureusement, pour le moment, personne ne semblait les poursuivre.
Ils ne s’arrêtèrent qu’après une grosse heure de route à un rythme effréné, à l’abri sous les arbres d’un petit bois dominant la vallée. Sans laisser le temps aux autres de se poser, Elphège se tourna vers Andréline.
-Eryn et Lucya ont normalement quitté Mesen en même temps que moi… Peux-tu les repérer?
La jeune femme le regarda d’un air hébété. Devant le regard suppliant d’Elphège, elle finit par acquiescer et se concentra. Après une dizaine de secondes, elle rouvrit les yeux.
-Je perçois un éclat, dit-elle finalement d’une voix faible. En route dans notre direction. Mais très loin derrière nous…
Elphège pâlit.
-Un seul? Lequel?
-Je ne sais pas… Identifier un éclat précis, ce n’est pas si facile, surtout à cette distance…
Il la saisit par les épaules, l’air à la fois paniqué et enragé.
-Qui, Andréline? Il faut que je sache!
-Je ne sais pas! hurla-t-elle, au bord de la crise de nerfs. Je ne sais pas, et tu sais quoi? Pour le moment, je m’en fiche, tout ce que je sais, c’est que la personne qui vient vers nous, ce n’est pas Aben…
Les larmes la submergèrent à ces derniers mots et elle s’assit lourdement par terre, le visage caché derrière ses mains. Isolde se précipita vers elle, l’enserra de ses bras. Elle lui murmura des paroles réconfortantes tout en fixant Elphège d’un air furieux. Celui-ci, bien que toujours tremblant, fit de son mieux pour reprendre le contrôle de lui-même.
-Excuse-moi, Andréline, dit-il d’un ton abrupt.
Il se détourna et s’éloigna du petit groupe. Il s’avança jusqu’à l’orée du petit bois, s’arrêta et contempla la vallée qui s’étendait à ses pieds. Leur fuite éperdue les avait menés à bonne distance de la base de l’Orn. Une grosse journée de marche suffirait pour atteindre Areness.
Il s’adossa à un arbre et ferma les yeux. La panique menaçait de l’envahir. Depuis son départ de Mesen, il regrettait désespérément d’avoir abandonné les deux filles… Sur le coup, la décision lui avait semblé être la seule envisageable, il fallait bien prévenir le reste de la base, mais il n’avait pas envisagé qu’elles puissent se trouver séparées. Que leur était-il arrivé?
Quelques minutes plus tard, il entendit les bruits de pas de ses compagnons. Soupirant, il se redressa et reprit sa marche d’un pas lourd. Il jeta un coup d’œil à Andréline : tête baissée, elle semblait encore très abattue. Elphège se mordit la lèvre, empli de culpabilité. Après tout, ce n’était pas de sa faute à elle, si un malheur était arrivé… Et elle avait bien assez de problèmes de son côté.
Ils marchèrent en silence jusqu’à la tombée de la nuit. Lorsque l’obscurité naissante rendit leur progression délicate, ils s’arrêtèrent dans un pré, abrité des regards par un muret qui le séparait du chemin. Encore que le passage soit bien peu fréquent par ici… Dans le doute, cependant, ils s’abstinrent de faire du feu. Mieux valait être prudents.
Isolde, Lysandre et Erek s’installèrent, sortirent de leurs sacs les maigres provisions qu’ils avaient réussi à embarquer avant de prendre la fuite. Elphège refusa d’un signe de tête la proposition de se joindre à eux. Il était bien trop angoissé pour envisager d’absorber quoi que ce soit.
Il s’assit un peu à l’écart, contre le muret de pierre. Quelques instants après, Andréline vint le rejoindre. Elle se laissa glisser à côté de lui.Je suis désolé pour tout à l’heure, lui dit-il.
-Je sais que tu ne pensais pas à mal, répondit-elle. Tu t’inquiètes, c’est normal…
Il se tourna vers elle. Dans la pénombre, il ne distinguait que ses yeux, brillants de larmes.
-Comment te sens-tu? Le bébé?
Elle haussa les épaules, posa machinalement une main sur son ventre.
-Ça a l’air d’aller pour lui. Mais je…
Elle déglutit, essuya les larmes qui recommençaient à couler le long de ses joues.
-Je préfère ne pas penser à la suite, reprit-elle. La vie sans Aben… Je ne sais même pas si je dois me réjouir d’avoir notre enfant en souvenir de lui…
Il ne sut quoi lui répondre. Elle soupira.
-Et toi? C’est pour Eryn que tu t’inquiètes, n’est-ce pas?
Il baissa la tête.
-Ça se voit tant que ça?
-Juste une intuition.
Elphège se mordit la lèvre.
-Aben m’avait percé à jour, lui aussi. La veille de la mission… Il m’a convaincu de lui parler. Je pensais me déclarer une fois que nous aurions réglé son compte à Kej Raisène… Et au lieu de ça, je l’ai laissée là-bas.
Des larmes brulantes sortirent de ses yeux. Il se réjouit que l’obscurité le dissimule au regard d’Andréline. Cette dernière lui posa une main sur l’épaule.
-Peut-être vont-elles bien toutes les deux, dit-elle. Il y a plein de raisons qui peuvent expliquer leur séparation… Je suis sure qu’Eryn nous rejoindra.
Elphège fit la moue. Il sentait à son ton qu’Andréline n’y croyait pas vraiment. Quant à lui… Il n’osait pas trop penser à ce qui se passerait, une fois à Areness. Si Eryn ne venait pas, que ferait-il?
De la main droite, il tâta la cicatrice sur sa paume gauche. La plaie, encore récente, était chaude. Son contact raviva une nouvelle angoisse en lui. À supposer qu’Eryn soit en vie et qu’elle parvienne à gagner Areness… d’autres problèmes se poseraient alors. A commencer par lui avouer la façon dont il avait réussi à venir à son secours…
-À Areness… je vous laisserai passer la frontière sans moi.
-Tu vas l’attendre? demanda Andréline.
-Oui. Elle ne connait pas la Lupesia, elle ne pourrait pas trouver seule la guilde locale… Et puis… j’ai besoin de savoir au plus vite si tout va bien pour elle. Tu es déjà allée à Mörön. Tu pourras guider les autres…
-Ne t’inquiète pas. On se débrouillera…
Elle hésita, posa finalement sa question.
-Si jamais elle ne vient pas… Ou si c’est Lucya qui arrive… Que feras-tu?
-Je ne sais pas. Je ne veux même pas l’envisager.
Il se prit la tête entre les mains, tentant de maîtriser l’angoisse qui l’étreignait. Son esprit divagua sur la dernière image qu’il gardait d’Eryn. La surprise mêlée de joie sur son visage lorsqu’il l’avait embrassée, avant de filer vers l’est. Ce baiser… La déclaration qu’il n’avait pas eu le temps de lui faire ce jour-là. Pas eu le courage de faire plus tôt. Les regrets le rongeaient.
Non, il ne pouvait pas partir sans elle.